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Esprits Maléfiques

« Grand Père, raconte nous une histoire! »

Les trois enfants s’étaient blottis contre les genoux de l’ancêtre. Celui-ci bougonna tout en bourrant sa pipe.

« Du calme, les enfants, du calme. Vous me faites tourner la tête, là. »

Le vieillard était assis dans un bon fauteuil au coin  de la cheminé. Lorsqu’il eut consciencieusement alimenté le fourneau de sa pipe, il attrapa une longue pique et fouilla dans les tisons et les braises. Quelques flammes s’échappèrent et vinrent lécher les bûches encore entières.

« Bon, quelle histoire vous voulez, les enfants? Celle de Hector le valeureux qui chassa les esprits maléfiques des marais?

- Non, non, nous la connaissons par cœur » répondirent en chœur les gamins. La petite fille ajouta «il poursuivit les méchants esprits sur le grand lac et chassa les nuages du ciel, alors le gel emprisonna tous les méchants esprits. »

Le vieil homme tentait maintenant d’allumer le fourneau de sa pipe en manipulant sa mince pique semblable à une tige de paille. Il inhalait par petites inspirations afin d’embraser le tabac comprimé.

« Bien, bien, alors je vais vous conter la fabuleuse histoire de Ytar le magicien qui poursuivit les esprits maléfiques du désert… »

Les têtes blondes l’interrompirent d’emblée.

« Celle-là, on la connait aussi très bien, grand père. » Et le petit garçon aux taches de rousseur sur le nez précisa « à la fin, Ytar souleva une tempête où chaque grain devint un soldat qui formèrent une armée invincible et qui expulsa tous les mauvais esprits du désert pour toujours. »

L’ancien ne se laissait pas démonter par tant de désintéressement. Il était tout au démarrage de sa pipe qu’il tenait maintenant de toute sa main à la façon dont les gentlemen de se saisir de leur verre de cognac, enrobant ainsi l’objet dans sa paume et effectuant de brefs mouvements de succion de ses lèvres minces.

« Oh oh. Vous en avez de la mémoire, plus que votre pauvre vieux grand père. Bon, je vais alors vous rapporter les hauts faits du fabuleux Arthur le malin…

- Pas la peine, grand père » s’exclamèrent ensemble les enfants. Et le, plus maigre d’entre eux expliqua « Arthur était si futé qu’il raconta tant de boniments et fit tant de plaisanteries que les esprits malfaisants eurent des fous rires jusqu’à s’étouffer pour de bon. »

Cette fois, la pipe ronronnait correctement, laissant s’échapper une fumée bleuâtre qui embaumait la pièce. La cérémonie dédiée à ce précieux accessoire étant maintenant terminée, le grand-père se rehaussa dans son fauteuil pour retomber la seconde suivante exactement dans la même position que précédemment.  

« Alors, quelle histoire vous voulez entendre, les enfants?

- Une histoire… plus moderne.

- Mais, je suis un vieux papy qui ne connait pas ce genre d’histoires. »

Les enfants semblaient soudainement tristes. La fillette, résignée, prit la parole.

« C’est vrai qu’il n’y a plus d’esprits maléfiques de nos jours. La science a permit que les gens n’y croient plus. » Le grand père fut piqué au vif.

« En es tu vraiment si sûre, chérie?

- Oui, grand père. Les esprits méchants n’existent plus. » Puis, elle prit un air important, imitant celui de la maitresse d’école.

« L’ignorance seule permet aux esprits d’exister.

- Ah? Et tu penses que le monde est moins ignorant de nos jours?

- Ben oui! On sait bien plus de choses.

- Les enfants, ce n’est pas parce qu’on en sait davantage qu’on en est moins ignorant. »

Les enfants restèrent interdits. Le grand père remua une nouvelle fois les braises, aspira le tuyau de sa pipe et, dans un nuage de fumée bleue qu’il rejeta à la fois par la bouche et ses narines, il commença.

« Autrefois, les hommes et les femmes travaillaient dur, toute la journée. Il n’y avait pas de vacances ni de jour férié. A peine prenait-on le temps de se rendre à la messe du Dimanche matin. Le labeur les occupaient jusqu’au coucher du soleil et, le matin, ils devaient être sur pied avant son lever. Ils retournaient la terre, semaient, cultivaient, moissonnaient et une autre année recommençait. On s’occupait des chevaux, le menuisier travaillait le bois, le bûcheron abattait les arbres, aucun n’avait ni le temps ni le loisir de se reposer.

- Ca devait être dur, ils devaient être bien malheureux!

- C’était dur, tu as raison. Mais étaient ils malheureux? Je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que dans les prés et dans les champs s’élevaient des chants au long des quatre saisons. Le bûcheron sifflait en découpant les arbres, le menuisier entonnait un air à la mode, les femmes qui préparaient les repas fredonnaient des ritournelles. Des gens qui chantent peuvent-ils vraiment être malheureux? »

Il fit une pause afin de porter à nouveau le tuyau de son instrument à sa bouche comme s’il prenait une respiration.

« Le labeur était épuisant. Alors, on s’aidait d’une ferme à l’autre. Lors des gros travaux, toute une partie du village se réunissait. On était solidaire en ce temps là.

- Tu ne nous as pas parlé des esprits maléfiques » s’enquirent les enfants. Ils savaient que c’était là, sa marotte. Pas un conte, pas une histoire, aucune légende ni le moindre récit ou une brève fable ne sortait de la bouche du grand-père sans qu’il soit question, à un moment ou à un autre, de ces fameux esprits maléfiques. Il en avait fait sa marque de fabrique.

« Si, si. J’y viens. Les lutins malicieux hantaient les forêts et il n’était jamais bon de s’y promener tout seul, à moins de connaitre les incantations pour les éloigner. Dans les vieilles fermes et même au cœur des maisons bourgeoises, des elfes se cachaient. Les méchantes fées faisaient sarabande aux équinoxes. Tout un monde parallèle vivait au milieu et parmi les hommes. Ceux-ci connaissaient ces êtres étranges et invisibles, les respectaient tout en les combattant. On savait éloigner les trolls qui effrayaient le bétail et faisaient tourner le lait les journées de canicule.

- Si le lait tournait, c’était à cause de la forte chaleur. »

Grand père ignora la remarque de la fillette, et poursuivit son récit.

« On connaissait les remèdes contre les sorts des elfes qui vous prenaient aux bronches les jours de grand vent.

- Si on prenait mal, c’est à cause des méchants courants d’air. »

Grand père ne fit pas davantage cas de la précision du gamin au nez parsemé de taches de son.

« On savait parer aux sorts jetés par les lutins qui se régalaient des rhumatismes des humains lorsqu’il pleuvait sans discontinuer.

- C’était plutôt à cause de l’humidité qui régnait dans les maisons mal isolées. »

Grand père négligea le bon sens du plus maigre des enfants.

« Les esprits maléfiques se tenaient à jour, même si on ne les voyait pas, on les sentait et on pouvait les éviter, les combattre. Et puis, un jour, un homme qui portait deux petits verres de lunettes bien ronds, eut l’idée de construire une machine. Tout en acier et bardée de fer et de cuivre. Elle pétaradait en rejetant une épaisse fumée et pouvait en une heure abattre le travail de dix hommes durant une semaine.

Les machines et les moteurs se multiplièrent. La science avait remporté la bataille. »

Les enfants écoutaient à présent sans plus interrompre l’aïeul. Il allait y avoir de l’action, c’était sûr.

« Les bruits envahirent les plaines, remplacèrent les sons. D’immenses usines rejetèrent de lourdes fumées noires colorant le ciel d’un sinistre voile grisâtre, en particulier à l’automne alors que la campagne se parait de ses plus belles couleurs. Dans les villes, la suie et les échappements des véhicules à moteur noircirent les façades et plus personne n’osait ouvrir les fenêtres comme auparavant où l’on n’hésitait pas à s’interpeller d’un étage à l’autre.

- Mais, grand-père, les machines facilitent la vie des hommes, non?

- Certes, certes, tu as tout à fait raison. Le progrès, c’est un peu comme une lumière éblouissante qui empêche de voir ses mauvais côtés. Tous les hommes ont été fascinés par les prouesses de la technologie, comme aveuglés par le confort et le bien-être. Les femmes n’avaient plus à descendre au lavoir pour faire une lessive qui abimait leurs mains lorsque l’eau était glacée en plein hiver. Mais, en même temps, elles ne se rencontraient plus pour parler entre elles.

- De toute façon, les conversations n’étaient que cancans et racontars, asséna la fillette.

- Tu as raison, ma jolie. C’est pourquoi les journaux se sont alors multipliés, développant au fil de leurs pages à l’encre mal séchée de bien plus terribles histoires que la simple médisance de lavandières.  »

La gamine baissa les yeux. Elle n’avait pas pensé à ça.

« Les hommes purent se déplacer plus vite et plus loin grâce au train, aux voitures, puis aux avions ensuite. Mais ils ne parlaient plus à leur mulet ou leur cheval et, si d’aventure il leur arrive de communiquer entre automobilistes, c’est davantage pour échanger des noms d’oiseau que des civilités.

- C’est sympa de voyager, non?

- Oui, oui, mon bonhomme. Tu as parfaitement raison et je ne peux pas dire le contraire. Voyager, bien sûr. Mais, regarde comment se comportent les touristes. A peine arrivés, ils n’ont de cesse de bouger, ils n’ont pas une minute à eux. Ils s’entassent sur des plages bondées ou mitraillent le paysage avec leurs appareils photos, comme s’ils enregistraient un spectacle qu’ils n’auraient loisir de contempler que plus tard, confortablement assis sur leur canapé, devant leur télévision. Ils vivent par procuration. Et je ne parle pas des voyageurs de commerce qui sillonnent le monde sans le voir, dormant dans des hôtels qui se ressemblent tous et avalant la même nourriture. »

Le maigrichon parut tout penaud. Il n’avait pas imaginé tout cela.

Le grand père continuait.

« Il y eut plusieurs révolutions technologiques et, à chaque fois, on atteignait un nouveau palier, sans espoir de retour à une vie plus modeste, plus normale, plus humaine. Au tournant du siècle dernier, on mit au poing un appareil capable de commander toutes les autres machines. Dorénavant, l’homme n’avait même plus à diriger ses propres machines. L’ordinateur, peu à peu, se subtilisa à l’homme. Parfois, je me demande même qui est encore le maître?

- Mais, grand-père, c’est bien pratique tout de même. Et puis, grâce à internet, on peut communiquer avec le monde entier.

- Que m’importe de pouvoir discuter avec sept milliards de personnes si je ne dis même plus bonjour à mes voisins. »

Les tâches de rousseur  semblèrent un instant s’estomper sous la confusion apparente qu’affichait le visage du troisième enfant. Tout ça n’était pas faux.

Mais la petite fille ne perdait pas le nord.

« Et les esprits malveillants, où sont-ils grand-père?

- Ah, ah! Nous y voici. C’est bien ma petite. Je pensais que vous les aviez oublié ceux-là. Eh bien justement, c’est là toute l’affaire mes enfants. »

Le vieillard prit une grande inspiration. Il avait délaissé sa pipe, qu’il se contentait de tenir vaguement au creux de sa main gauche, maintenant tout occupé à son histoire qui le passionnait autant, sinon plus, que les têtes blondes. Sous les rides de son visage, les bambins purent deviner une joie enfantine, semblable à celle qu’éprouve un joyeux garnement à l’envie de raconter ses dernières frasques.

« Vous vous souvenez du monde d’avant?

- Quand les gens travaillaient dur du matin jusqu’au soir et sans vacances et sans sorties?

- Des vacances, non, mais ils avaient des distractions, des réjouissances. On fêtait la Saint Jean, la Saint Michel. On dansait dans des bals au solstice d’été.

- Comme le quatorze juillet?

- Oui, enfin non. En ce temps là, le quatorze Juillet n’existait pas.

- Ah? On passait alors du treize directement au quinze, répliqua malicieusement le plus futé des trois, l’enfant aux taches de rousseur.

- Bien sûr que non! Mais la cérémonie du quatorze, je veux dire… Oh et puis vous m’embrouillez tous autant que vous êtes. Je me demande à quoi ça sert que je continue à vous raconter tout ça si c’est pour que vous me fassiez tourner en bourrique. »

Alors les trois enfants, sans s’être concertés, répondirent en chœur:

« Si, si, continue grand-père. Nous  jurons de ne plus t’interrompre. »

L’ancien eut un regard inquisiteur, puis soupira et, avec le sourire de celui qui aime être coupé dans son récit parce que cela indique l’attention de son auditoire, il reprit:

« Donc, où en étais-je?

- Les gens dansaient et fêtaient la Saint Jean.

- Oui, oui. Ah, on savait s’amuser en ce temps là, les enfants. Peut-être parce que la vie était dure, le labeur éreintant et les moments de joie peu nombreux.

- Un jour, maman m’avait acheté des souliers neufs pour le mariage d’oncle Alfred. Ils me faisaient mal aux pieds. Et toute la journée fut un calvaire. Mais le soir, quand je les ai enlevé, j’étais si bien.

- Des fois, papa cuisine des carottes. J’aime pas les carottes. Beurk. Mais, si je finis mon assiette, j’ai droit au gâteau qu’à préparé maman. Et il est toujours meilleur après un plat que je n’apprécie pas.

- Moi c’est pareil. Pendant les vacances, on est allé faire une grande balade. Pour les grands c’était facile avec leur longues jambes et leurs gros poumons, mais moi, j’ai trainé toute la journée. J’étais épuisé. A un moment, on s’est arrêté devant une cascade et on s’est baigné. C’était le meilleur moment de toute ma vie, même si l’eau était un peu froide. »

Le grand-père modéra les ardeurs de son public en levant la main droite et en l’abaissant doucement, dans un signe d’apaisement.

« Bon, bon, ça va. Je vois que vous avez tous bien comprit l’idée.

Donc, si la vie était dure, on avait des compensations. Les gens s’aidaient dans l’adversité et se parlaient. Parfois on médisait, mais il était alors possible de démentir illico les fausses vérités, bien plus facilement que ne le font les droits de réponse dans nos journaux.

Les esprits maléfiques faisaient partie de la vie des gens.

Lorsque le premier moteur s’est mis en marche, emplissant l’air d’un bruit inconnu jusque-là, masquant le soleil d’une épaisse fumée et irritant le nez de ses vapeurs malodorantes, les humains ronchonnèrent. Le progrès ne fut pas accepté par tous aussi vite que vous ne le croyez. Mais l’homme s’habitude à tout.

Pas les esprits. Ils sont fait d’air et sont plus sensibles que des êtres de chair et de sang.

- Alors, les machines ont fait fuir les esprits à tout jamais?

- Oui, enfin, pas tout à fait. Ecoutez, les enfants. »

Grand-père prit un air de conspiration, comme si il allait leur dévoiler le plus grand secret de toute l’humanité. L’ancêtre était un maitre dans l’art de raconter des histoires. Il savait ménager ses effets. Il attendit que les trois petites têtes soient au bout de leur impatience enfantine et commença alors le récit le plus fabuleux que ses petits enfants n’aient jamais entendu.

« Les esprits maléfiques habitaient les ombres des forêts, stagnaient dans les marais, parfois hantaient les combles des maisons. Ils aimaient les recoins obscurs et s’amusaient des coutumes des humains. Mais, par-dessus tout, ils étaient friands des petits bruits qui sonnaient comme une belle musique à leurs oreilles. Les lutins avaient une préférence pour le cliquetis des engrenages d’une montre, le lent balancier régulier d’une horloge, les elfes adoraient les portes qui grincent, une roue de bicyclette ou de brouette qui gémit. Ils s’entendaient à la perfection pour que tous ces rouages crissent le plus possible. Les trolls aimaient le bruit de l’eau, celui assourdissant des cascades tout comme le murmure du ruisseau, les éclats d’éclaboussures, mais aussi la chanson de l’eau qui bout, la mélodie des rigoles.

Le bruit monotone des moteurs les a effrayés dans un premier temps. Cependant, ils parvinrent à dissocier les sons comme on découpe un morceau de viande. Leurs oreilles se sont adaptées aux nouveaux bruits de telle manière qu’ils purent percevoir le grincement des roues d’un Boeing au décollage tout en minimisant le vacarme des réacteurs. Ils furent capables de séparer tous les sons, réduisant le plus intolérable à un simple bourdonnement et maintenant leurs sons préférés à un degré correct. »

Le visage étonné des enfants laissait refléter leur stupéfaction. Ils n’étaient pas au bout de leurs surprises.

« Lorsqu’ils purent s’accoutumer à ces nouveaux engins, ils s’introduisirent à l’intérieur même des machines. Ce ne fut pas facile pour des créatures qui depuis toujours avaient été habituées à évoluer dans un espace naturel et si vaste. Parfois ils étaient coincés entre deux pistons, bloqués dans de minces tuyaux, serrés comme une colonie de sardines au milieu de composants électroniques. Plus le progrès avançait, plus les machines rapetissaient, les mauvais génies s’adaptaient vaille que vaille en devenant de vrais contorsionnistes.

Tous les êtres fantastiques firent leur réapparition au cœur même des machines, si bien que personne ne put jamais plus les apercevoir. Mais ils sont là, bien à l’abri, cachés dans les mécanismes des ventres des appareils, au cœur des engins les plus sophistiqués.

Et là, ils s’en donnent à cœur joie mes enfants.

Ils adorent dérégler les mécanismes de toutes sortes.

Les coups de klaxons qui énervent les automobilistes, c’est eux. Les pannes en rase campagne, les pneus qui percent en pleine nuit, encore eux. Les fuites, les moteurs qui fument, les déraillements et les catastrophes aériennes, toujours eux. Je suis même intimement convaincu que le Titanic n’a pu couler sans l’aide démoniaque de quelques trolls cachés dans ses soutes.

- Mais c’est affreux!

- Tout juste. En fait, cette histoire n’est pas un conte, ma jolie. Ne pouvant savoir où se cachent les mauvais esprits, les humains ne peuvent plus les éviter, les combattre. Et ce n’est pas fini. Ils ont découverts d’autres sortes de désagréments envers les humains. L’hypnose provoquée par tous les écrans, celui de la télévision étant le plus redoutable. Avez-vous remarqué comme il difficile de s’extraire de son emprise? »

Les trois enfants qui, comme tous les enfants, passaient de longues heures devant leur poste, baissèrent la tête honteusement.

« Et le téléphone portable? Belle invention pour ces esprits démoniaques. Désormais, nous sommes tous enchainés par ce petit appareil qui vous sonne comme le maître sonne son valet. Plus sa taille se réduit, plus nous en sommes tributaires. »

Les trois enfants sentirent le minuscule boitier dans leur poche et n‘en furent que plus penauds.

« Les ordinateurs, c’est pas mieux. Tous ces virus qui infectent les disques durs. Sans compter notre dépendance de plus en plus flagrante face à la technologie. Les entrées d’immeuble à code digital dont il faut se souvenir des chiffres au risque de se retrouver enfermé dehors. Les modes d’emploi de plus en plus compliqués du moindre appareil électrique. Ne vous êtes-vous jamais demandé qui les écrivaient, avec ce jargon incompréhensible?

- Mais il n’y pas un moyen de leur échapper, dis grand-père? »

Le vieillard fit mine de réfléchir, le nez levé vers le plafond. Il marmonna quelques bribes de mots, puis finit par avouer dans un long soupir.

« Si, il y aurait bien un moyen.

- Lequel, lequel? » Un espoir se mêlait à l’effroi des gamins.

« Hé bien, je vous ai parlé bien souvent des esprits maléfiques, mais sachez qu’il existe heureusement de bons esprits, toujours prêts à aider les hommes. Les fées par exemple. Certains elfes domestiques. Et puis les anges gardiens. Tout le monde en a un. »

Les trois petites figures s’illuminèrent. Bien sûr, étaient-ils bêtes. Dans toutes les histoires de grand-père, le bien finissait par gagner, les méchants étaient terrassés, vaincus, disparus à jamais… enfin jusqu’à la prochaine histoire. Pourtant, les traits du grand-père s’affaissèrent soudain.

« Le problème, voyez-vous, c’est que tous ces esprits étaient encore plus léger que les mauvais génies, étaient davantage sensibles. Le bruit des machines, l’odeur des moteurs, les a fait disparaitre à jamais. On n’a plus jamais entendu parler d’eux. »