Seigneur ou Dieu?
Seigneur ou Dieu ?
Depuis toujours, enfin depuis que l’homme a choisi la voie du développement, il a
confondu deux idées bien distinctes que l’on pourrait symboliser par Seigneur et Dieu.
L’humain est au sommet de la chaîne alimentaire, il n’a aucun prédateur (si l’on
excepte bactéries ou virus). Cela lui donne une grande variété de droits mais aussi
quelques devoirs élémentaires, ce qu’il semble oublier souvent. Seigneur de la
biodiversité, nullement Dieu du monde.
Si l’on se représente cette chaîne à la façon dont les Egyptiens nous ont laissé l’image
de la pyramide, l’humain se situe au sommet, puis viennent les mammifères, chaque
espèce devenant, à mesure qu’elle est l’objet d’un plus grand nombre de prédateurs,
plus importante. Cette pyramide du vivant, dont les étages inférieurs recèlent insectes
et plantes, repose sur la terre : il n’y a aucun risque que le support ne s’effondre. La
terre s’est formée il y a cinq milliards d’années et continuera son bonhomme de chemin
encore autant de temps. Plusieurs extinctions massives en sont les témoins, en
espérant que nous ne feront pas partie du convoi de la prochaine. Parler de sauver la
planète est un non-sens. Il convient plutôt de sauver ce qui se trouve aux étages
supérieurs de la pyramide, nous en particulier. Une rédemption qui demande quelques
sacrifices.
Se situer à l’extrémité de la chaîne alimentaire, au sommet de la pyramide, c’est
bénéficier des bienfaits de toutes les autres espèces (depuis dix mille ans l’humain ne
s’en n’est pas privé !), c’est surtout veiller à une harmonie et un équilibre salutaire pour
tous et lui-même en particulier (appelons cela l’écologie par exemple). Vient à
manquer un maillon et la chaîne se brise, la pyramide s’effondre (abeille, thon rouge).
Plus l’espèce visée se situe à la base de cette construction imaginaire, plus nombreuses
sont les espèces menacées. A quelque niveau que ce soit, c’est immanquablement le
prédateur ultime qui est touché.
Responsabilité, ce mot qu’autant d’assurances et de décrets, de lois, de règlements
tendent à évacuer de notre vocabulaire, est primordial dans la gestion du fragile
équilibre que l’évolution a mis des millions d’années à organiser. Respecter la
biodiversité, c’est souscrire à l’espèce humaine une assurance vie.
Systématiquement, pour soigner une blessure qu’il a lui-même provoqué, l’homme a
imposé un pansement encore plus nocif à la nature. Fuite en avant technologique,
amalgame de procédés scientifiques délirants afin de réparer le plus beau des jouets
(la terre) qu’il, de ses mains peu adroites, abîme jour après jour, siècle après siècle
(conservation d’une pseudo nature sauvage dans des zoos, des parcs, afin de la
protéger de ce prédateur sanguinaire ; aujourd’hui projets de stockage de co2, de
bouclier solaire…).
Cet enfant trop gâté a ruiné en quelques siècles un paradis terrestre que les textes
sacrés lui ont fait croire exister ailleurs, plus tard, jamais ici et maintenant. Croissez et
multipliez vous, domptez la nature et asservissez ses habitants (animaux ou humains,
qu’importe) puisque l’éden n’est pas ici.
Biologiquement, physiologiquement, l’humain du XXI° siècle n’est pas tant éloigné de
son ancêtre cro-magnon. Il est la seule espèce à ne pas avoir pu d’adapter à un
environnement qu’il a lui-même créé. Nos technologies nous dépassent, nos mégapoles
sont de taille inhumaine, la vitesse de nos transports nous coupe de notre
environnement. Ce monde est taillé pour des machines (d’ailleurs elles sont si
nombreuses), plus pour une espèce animale, si intelligente soit-elle.
Une infime minorité d’humains a fait le choix de prendre plutôt que de laisser, se
prétendre propriétaire plutôt que locataire, de piller plutôt que prélever, en entraînant
dans son sillage l’humanité toute entière. Aujourd’hui, par une empreinte écologique
abominable, par un irrespect total de la nature et de l’homme lui-même, une centaine
de millions d’humains, Dieux improvisés, imposent leur choix de vie à près de six
milliards… qui n’ont d’ambition que de leur ressembler. Et puis il y a une poignée
d’entre eux qui refusent de se précipiter vers un tel délire, un abîme sans fond, on les
appellent les décroissants.