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Je Pense donc... J'écris 2025

Je pense donc j'écris

9 Mars - un chanteur comme les autres

Il est le chanteur français le plus écouté, quasiment celui qui a vendu le plus de disques. Chacun connaît forcément au moins l'une de ses chansons. Non, pas Johnny. Pas Sardou. Pas Cloclo. Ni Brel, Brassens, Ferré...

JJG.

Goldman.

Personne n'y pense parce qu'il n'a jamais fait de vagues, aucune révélation fracassante, aucun scandale ne l'entache, pas le moindre éclat au menu. Ni drogues, ni sexe (mari et père de famille à 24 ans, bien avant de devenir célèbre), ni rock'n'roll... Même pas.

Il serait un peu l'inventeur de la pop française, mais cela n'est même pas exact. S'il précède Daho, il suit quand même Berger.

Goldman est un cas à part dans le paysage audio français... sûrement même mondial. Auteur de 300 chansons dont une cinquantaine tournent régulièrement sur les ondes et les plate-formes de streaming. En fait, l'ambition de Goldman serait d'être célèbre sans être connu, en écrivant pour les autres. Sauf que, après son expérience avec le groupe Taï Phong, tous refusent ses chansons, à commencer par notre Johnny national – qui finira par le chanter quand même, juste après Berger.

La presse élitiste des années 80 n'a jamais été tendre envers ce chanteur à minettes comme Claude François ou Dave en leur temps. Pas de look (chemise, jean, baskets), pas de message, même pas rock.

Pas de message, pas si sûr. Si l'on écoute attentivement ses chansons, chose difficile quand il s'agit de pop music, bien orchestrée et trop arrangée, on notera plusieurs thèmes. Le départ, le déracinement, ses origines juives, la place de l'homme dans la cité, face aux élites, aux profiteurs, y compris la place de l'homme dans ses rapports aux femmes et cette volonté de s'en sortir.

Mais tout cela passe sans qu'on y fasse attention. Ses chansons sont à l'image de leur auteur : insaisissables.

Du reste, on peut aimer ou détester Sardou ou tel groupe de rap ou de hard-rock, c'est plus difficile d'avoir un avis tranché sur quelqu'un qui ne fait pas de vagues. Une anguille insaisissable. Encore plus fort : au sommet de son succès, il décide de se retirer de ce grand cirque, particulièrement médiatique. Depuis 25 ans, plus de nouvelles. Il continue d'écrire encore un peu, mais aucun nouvel album, aucun concert. Silence radio. Même pas : ses chansons font partie du patrimoine commun.

Modestie, humilité, altruiste (la chanson des Restos du Coeur, c'est lui). Un personnage honnête et droit, délicat, attentif, digne.

Cette dignité lui confère une aura qu'il partage avec les français les plus aimés (longtemps à égalité avec l'abbé Pierre dans le sacro-saint classement des personnalités préférées des français). Ne pas exister pour soi, par soi, mais en tant que auteur compositeur et chanteur. Ne pas être, juste faire. Mais, en même temps, Goldman EST. C'est même cette banalité qui le rend si populaire. Un peu comme s'il nous disait : voyez, je suis comme vous, donc vous avez la possibilité de réussir comme moi.

Goldman n'a jamais été politique, contrairement à Balavoine qui n'hésitait pas à prendre position ouvertement, jusqu'à interpeller le candidat Mitterrand de face. Ses chansons ne s'inscrivent pas dans la pensée gauchiste (Ferré) ni revendicatrice (rap). Il serait plutôt un social-démocrate, situé au centre de l'échiquier politique, promouvant la libre entreprise, mais à taille humaine. Un libéralisme qui se fixerait lui-même ses limites. Impossible, par définition. Rappelons que ses parents étaient devenus des petits commerçants ; lui même gérera le magasin de sports jusqu'au début des années 80 quand la musique (devint) bonne...

Ce grand frère qui rassure, il l'a été pour des millions de filles et de garçons qui se cherchaient dans un monde en mutation (les années 80). Aujourd'hui, on sent bien que tout est plié. Les idéologies ont vécu, écrasées par la chute du mur de Berlin, l'ascenseur social est en panne, la planète a la fièvre et l'élitisme politique, social et économique jamais aussi démesuré, creuse un fossé financier et social entre les plus riches et les plus pauvres.

Donc JJG serait un guide, un exemple.

Il y a cependant une autre lecture possible du personnage.

Tout comme quand la pression est trop forte, Goldman sort de son antre, de son silence, et pousse des coups de gueule. Oh, pas grand chose. Juste pour recadrer. La presse ne l'aime pas, il ne l'aime pas non plus.

Ainsi, on pourrait penser que tout est calculé d'avance. Il ne faut pas oublier que, lorsqu'il rencontre le succès solo, il a 30 ans. Ce n'est plus un perdreau de l'année. Il a passé toute sa jeunesse à jouer dans différents groupes. Il connaît le milieu. Les ficelles. Rien n'interdit de penser qu'il s'est lui-même forgé cette attitude, cette réserve, ce non-look, cette position au centre où on ne doit compter que sur soi-même (« ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour lui »). Contrôler son image en la refusant, la distillant. Se tenir en dehors du système tout en y étant fermement ancré. Ne pas faire de vagues pour éviter une trop forte exposition qui risquerait de noter le moindre dérapage. Faire profil bas pour éviter les coups du sort.

Peut-être, tout simplement, c'est l'histoire d'un jeune musicien qui rencontre un public et se voit dépassé par la puissance de son talent.

Quoi qu'il en soit, Goldman appartient à l'histoire.

 

2 Mars -  La pensée paradoxale 

Pour résumer, il s'agit simplement de l'anti manichéisme qui régit souvent le monde. Dès que l'on commence à mettre les choses, pire : les gens, dans des cases, cela va de travers.

L'informatique n'est rien autre chose. Soit on est un, soit on est zéro. Il n'y a pas d'alternative. Ce n'est qu'en physique quantique que les atomes, les électrons, peuvent être à la fois ici et là.

Une chose est son contraire, comme une pièce contient un pile et une face.

Il faut se faire une raison. Tout n'est ni tout noir, ni tout blanc dans notre monde si riche en diversité. A commencer par la couleur de nos peaux. Il n'existe ni un visage immaculé comme du lait et pas davantage une face noire comme une nuit sans lune. Ce ne sont que des variantes, à l'infini.

Et c'est pareil pour n'importe quelle chose, n'importe quel concept. Dire que quelqu'un est méchant, mauvais, nul ne veut rien dire. Il y a forcément un peu de bien dans le pire des hommes tout comme le meilleur des êtres humains peut se révéler pas si formidable que ça, en fonction des circonstances.

Comme un ciel breton. Moitié ensoleillé, moitié nuageux. Du reste, pour obtenir un coucher (ou un lever) de soleil respectable, il faut qu'un ciel soit chargé. Débarrassé de ces nuages, il n'y a aucun contraste, comme si le soleil se levait à poil.

A partir de là, tout n'est qu'une question de dosage. Trouver l'équilibre parfait, entre névrose et psychose. Savoir transformer ses faiblesses en force.  Du reste, la faiblesse peut être un atout dans certains cas. Tout comme la peur : elle évite d'aller se jeter directement dans la gueule du loup. La colère peut être bénéfique si elle permet de faire des choses, comme une étincelle.

Cette pensée paradoxale est à la base de la compréhension d'autrui, d'empathie. Nous ne sommes pas si différents que cela tout en restant uniques. Les mêmes organes, mais pas constitués des mêmes cellules. Un vocabulaire en commun et pourtant une façon propre de s'exprimer. Un cerveau qui fonctionne de la même façon et cependant des pensées bien personnelles.

Intégrer cette ambivalence, tous ces paradoxes qui constituent notre fond de commerce, offre la possibilité de mieux se connaître pour mieux communiquer avec l'autre. Reconnaître que rien n'est simple dans le monde. Complexe, sibyllin, double. Une personnalité n'est que l'addition de tant de petites choses, parfois opposées. Comme une entité faite de milliards de cellules, d'atomes.

L'objectif est de parvenir à l'équilibre parfait entre le yin et le yang. Les situations changeant constamment, savoir s'adapter est primordial. Ne jamais rester identique. Pas forcément aller de l'avant, mais dans toutes les directions. Expérimenter, essayer, se jeter dans la vie !

 

23 Février -  le Coeur & la Raison

Si vous aviez le choix entre faire l'amour à la plus belle fille du monde sans que personne le sache ou plutôt que tout le monde le sache sans que vous ne l'aviez fait, quelle solution choisiriez-vous ?

82% des hommes ont répondu qu'il préféraient la seconde solution. Ceci est très révélateur de notre société du paraître.

Entre savoir-faire et faire savoir, le choix est pourtant simple. Cette considération sociale est à la base de quasiment toutes les dérives. Mensonge, influence, lutte pour le pouvoir, tout n'est affaire que d'exhibition. Briller aux yeux des autres plutôt que briller pour soi-même.

En réalité, c'est un cruel manque de confiance en soi qui est à l'origine d'un tel désir de reconnaissance. On n'existe que par le regard de l'autre. Si c'est valable au sein d'une relation amoureuse, la seule où il peut y avoir cet échange si riche, tout simplement parce que cela ne met en cause que deux personnes, tout le reste n'est que futilité.

Il n'y a qu'à voir la rapidité avec laquelle on brûle nos idoles d'hier. Aussitôt adulées, très vite oubliées. L'esprit humain est versatile.

j.j. Rousseau soulevait un autre paradoxe : selon lui, la passion relaté, transcrite par une belle plume ne peut être réellement vraie. Si les mots sont choisis, si la syntaxe est correcte, si le ton est juste, elle ne parle qu'à la tête, pas au cœur. Seul un être passionné peut exprimer ce qu'il ressent. Peut-être le fera-t-il d'une manière moins glorieuse, truffé d'incohérences, d'erreurs, de répétitions. Très certainement même, étant envahi par des sentiments qu'il ne peut exprimer sans ce recul qui permet le beau langage. Ne pas se trouver sur la montagne si on veut la voir dans son ensemble.

Il est troublant que la meilleure façon de juger une action ou un homme est de le faire par un jury dont l'issue du procès ne changera rien dans leur propre vie. Le film « Douze Hommes en Colère » est un exemple flagrant. Douze hommes étrangers à l'accusé, ne se connaissant pas entre eux et n'ayant d'autre objectif que la recherche de la vérité pure. Rien d'autre.

Partant de là, le constat est troublant. Ainsi, on ne peut accéder à la perfection qu'en cultivant un certain détachement.

On ne fera réellement bien l'amour qu'en l'absence de sentiments, situation purement mécanique où aucun trouble ne viendra mettre son grain de sel dans des gestes précis, calculés, peut-être même répétés comme l'entraînement d'un chammpion. L'amour, en revanche, apportera son lot d'hésitations, de pudeur, d'à peu près – toutes ces imperfections qui nous font aimer encore davantage l'autre. Un être idéal ne peut être aimé. La perfection ne déclenche aucun sentiment. Rien ne vient du cœur, tout part de la tête. On dissèque une œuvre d'art avec brio mais on la ressent avec son cœur et ses tripes, tout en devenant moins loquace. N'avoue-t-on pas qu'on n'a « pas les mots » pour décrire ce qui nous émeut profondément ?

Les Bouddhistes recherchent, lors de leurs méditations, un certain détachement des choses, s'extraire de la passion qui dicte sa loi. Colère ou envie sont des sentiments néfastes, qui nous brûlent l'âme.

Pourtant, c'est le désir qui peuple le monde et la colère qui fait avancer les choses.

 

16 Février -  S'adapter 

Si j'ai bien lu Darwin, une espèce doit s'adapter à son environnement si elle veut perdurer. Les conditions externes jouent sur l'évolution, privilégiant les mieux lotis.

L'humain est la seule espèce à avoir renversé cette tendance, pourtant fondamentale. Lui a réalisé la prouesse d'adapter son environnement à ses besoins, pire: à ses envies, ses désirs.

Bien entendu, un tel retournement n'est pas allé sans dégâts et il se pourrait même que l'arroseur finisse bien arrosé, ayant fini de scier la branche sur laquelle il était, jusque là, confortablement assis.

Il est probable qu'homo sapiens, en voulant jouer à Dieu (un jeu terriblement risqué), s'y brûle les ailes qu'il n'a pas. Comme tant d'autres choses du reste. Serait-ce notre inadaptation aux éléments qui nous poussé à régir tout le système, jusqu'aux paradoxes les plus fragrants et les absurdités sans fond ?

Hormis une poignée de champions olympiques, nous ne savons pas nager, du moins allons nous moins vite qu'en marchant à pied. Nous ne volons pas, en tout cas sans y brûler des tonnes de kérosène. Nous ne courrons pas si vite que ça. Notre peau est bien fragile sous les assauts du froid et les blessures diverses. Même nos os ne sont pas si solides. Notre vue, malgré la multiplication des écrans doit être corrigée par des prothèses oculaires.

Sans toute notre technologie qui nous entoure (nous emprisonne?), nous ne sommes absolument rien face à la fureur des éléments. Aucune spécificité dans laquelle on peut se permettre de briller. A part, peut-être, cette fameuse intelligence, si difficile à définir. Mais qui peut, qui s'est souvent retournée contre nous-mêmes. Cette technologie issue de la capacité à manier la science et surtout nos dix doigts aux pouces opposables nous dépasse désormais. Sans parler de l'intelligence artificielle dont on ne connaît pas vraiment les possibilités et les dangers (toujours cette manière de faire irresponsable : inventer des cocnepts et des processus dont on ne maîtrise pas grand chose et qui se révèlent dangereux), il est déjà ardu de se dépatouiller avec un simple appareil ménager ou l'utilisation d'un ascenseur.

J'ai longtemps pensé, comme tant d'autres, que l'immortalité serait une panacée. Pouvoir vivre des siècles en bonne santé, quelle aubaine ! Avoir enfin le temps de tout faire, du moins de cocher le maximum de lignes sur nos « to do lists». C'est compter sans les machines et appareils de plus en plus sophistiqués. Combien de fois ai-je entendu se lamenter des personnes âgées, ne sachant plus se servir de cette technologie qui supplée à nos déficiences ? L'informatique est un cruel exemple.

J'ai maintenant atteint l'âge où l'on commence à ne plus rien comprendre à rien. Un smartphone est une énigme pour moi. Je n'utilise qu'environ cinq pour cent des potentialités de mon ordinateur et je commence à ne plus bien comprendre le fonctionnement de ma nouvelle voiture, pourtant un modèle de base.

Ainsi l'humain est parvenu à adapter son environnement sans plus être obligé de s'y conformer et, dans une certaine manière, c'est une chance, un progrès. Il n'y a pas si longtemps, les plus faibles mourraient, tout simplement. La médecine a permis à tous d'atteindre l'âge adulte et de réparer la plupart du temps des pathologies qui, si elles ne sont pas toutes mortelles, empêchent de vivre convenablement. Les démocraties, un état social ont renforcé l'acceptation des différences tout en réduisant les inégalités. Il reste beaucoup de chemin à faire, mais je suis convaincu qu'on y parviendra sans tarder. Il sera peut-être toutefois trop tard. Et, surtout, nous devrons nous adapter à nos machines. Voyez comme un gamin pianote sur son téléphone nouvelle génération, comment l'informatique est devenu un réflexe. Grâce à son formidable cerveau, l'humain est capable de s'adapter à l'environnement nouveau qu'il s'est lui-même créé. Peut-être au détriment de simples relations humaines.

 

9 Février  -  Anti gaspi

Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Ce n'est juste qu'une façon de voir les choses, particulièrement empreint de ce libéralisme mâtiné de capitalisme intransigeant.

D'un point de vue social et écologique, à quoi bon tuer l'ours si l'on n'est pas certain de vendre sa peau.

Si vous désirez acheter français, une voiture par exemple, il n'est pas utile d'entrer chez un concessionnaire Renault, Peugeot ou même Citroën. Tous ont largement délocalisé leur production, leurs sous-traitance. Vous ne ferez alors qu'engrosser le compte en banque de leurs directeurs et actionnaires, qui ne sont pas, au demeurant, des modèles de citoyenneté (« je paie mes impôts dans mon pays ») ou même d'honnêteté.

Paradoxalement, en achetant une Yaris, vous permettez à toute une équipe forte de 5000 ouvriers de l'usine de Toyota située dans le Nord à Onnaing de boucler leur fin de mois.

Mieux : à Molsheim, en Alsace, la seule marque 100% française (même si les actionnaires sont dorénavant majoritairement Croates) fabrique des modèles sur le sol français et emploie 160 personnes.

Car, tout le succès de cette façon de faire réside dans la taille de l'entreprise. Plus celle-ci sera grande, plus il sera difficile de parvenir à s'adapter au marché.

En 2022, la firme Alsacienne a produit 80 modèles. Tous vendus avant même le plus petit boulon serré.

D'aucuns me diront qu'on parle ici de luxe. Chanel, Givenchy, Dior, Bugatti.

Et alors ?

Ne serait-il pas possible d'adapter le même concept à n'importe quelle production ?

Les paysans bio le font déjà au sein des Amap, en proposant des paniers de leur production agricole, pré-payée. Ainsi, on élimine le principal fléau de la production de masse : le gaspillage. On en parle continuellement en essayant de trouver des solutions pour y remédier sans jamais penser aux solutions qui peuvent exister en amont. Ne produire QUE ce que l'on va consommer. Et n'acheter que ce que l'on doit utiliser réellement.

Cela a deux avantages. D'abord, à la façon d'un abonnement, le producteur -le travailleur donc - est assuré d'un salaire avant même de commencer à travailler. Comme une assurance. Ensuite, il n'y a pas de perte, puisque ce qui est produit est d'ores et déjà vendu. Il est même possible de personnaliser sa production, pour répondre aux attentes diverses des consommateurs.

Allié à de plus petites structures (mini entreprises, auto-entreprises, pouvant être reliées sous forme de fédération, de coopératives, d'associations, mutualisation), plus réactives, plus proches et, également, plus diverses.

Il vaut mieux mille petites exploitations d'un hectare, qu'une seule de mille hectares. Il en va de la diversité, de la multiplicité, de la différence.

Local, anti-gaspi et répondant aux attentes plutôt qu'une production de masse (à bas prix – bas salaires) que l'on écoulera en forçant la vente en ayant recours à une autre dérive du système : la publicité.

 

2 Février - Besoin de paysage 

C'est là d'où l'on vient. Notre héritage. C'est lui qui nous nourrit. D'où provient notre énergie. Nos racines. Malgré cette déconnexion issue du vingtième siècle, le paysage nous est indispensable. Surtout sa beauté. A la limite, on pourrait vivre sans nature. Pas sans beauté.

Il faut avoir à la conscience que l'être humain a passé deux millions d'années à vivre dans et avec la nature. A s'y adapter du mieux qu'il a pu, comme n'importe quelle espèce animale. Il ne s'en est affranchi que depuis deux siècles à peine. Tous nos comportements liés à la société moderne, technologique et supra naturelle, ne peuvent être intégrés dans notre biologie. Il faudrait, pour cela, plusieurs centaines de générations afin de s'y adapter. De modifier notre physiologie en fonction de notre environnement.

Ainsi la lumière artificielle. Il est avéré que notre œil supporte mal un éclairage trop vif. La lumière chancelante et douce de la bougie lui convient mieux, car notre espèce a grandi avec. Bien sûr, hors de question de s'éclairer à nouveau à la bougie, excepté pour quelques repas en amoureux, mais il serait intéressant de produire des ampoules dont la lumière en serait plus proche.

Nous utilisons des moyens de transport mécaniques depuis un gros siècle. Là encore, on ne va pas tout bazarder, mais réutiliser nos pieds nous ferait le plus grand bien. Et, par là, nous reconnecter à notre environnement, notre paysage.

Ce paysage est primordial, au même titre que nos comportements naturels. Il existe une certaine harmonie dans l'agencement de la nature. Elle est vivante, contrairement à nos murs de verre, d'acier et de béton. Elle s'adapte. Même lorsque, en apparence, la vie a disparu (glaciers, rochers, banquise, déserts), quelque chose nous rappelle que nous sommes liés par elle. Nous avons besoin de repères immuables, en apparence du moins. De cet équilibre, né de millions d'années, résultat de tentatives, toutes heureuses, puisque les moins pertinentes ont fini aux oubliettes. La Nature a essayé toutes les possibilités, tenté tous les chemins. Cela s'appelle l'Evolution. Or, le paysage est composé essentiellement de vivant. De ces adaptations réussies puisqu'elles ont résisté à mille maux. Avec nos villes, nos constructions, nous n'en sommes qu'à quelques millénaires tout au plus. Du reste, les plus anciennes compositions humaines ont quelque chose de beau. Les pyramides et les cathédrales sont agréables à l'oeil. Ainsi les réalisations de l'homme peuvent avoir leur place dans un environnement apaisant, porteur de beauté. Il leur faut juste la justification du temps, la patine que seuls les siècles peuvent offrir.

 

26 Janvier - Une histoire de bikini  

C'est en parcourant la prose si subtile de Jean Rochefort (ce genre de choses, Stock, 2012) qu'il m'est apparu que l'événement qui a le plus contribué à l'émancipation de la femme n'est pas, en réalité, le droit de vote obtenu en 1946 mais l'invention, la même année, d'un objet qui allait révolutionner les relations entre les hommes et les femmes.

Le bikini.

Après avoir fait leurs mains au Japon (Hiroshima, Nagasaki), les militaires américains entendent bien réitérer leurs fameux essais nucléaires afin de développer une force de dissuasion face à l'émergence du bloc soviétique. Une autre guerre, dite froide comme la vengeance, allait débuter, jetant du même coup une ombre dangereuse sur ce nouveau monde, apparemment en paix après tant d'années d'horreur.

Cette fois, les dirigeants ont eu le tact d'effectuer leurs explosions radioactives au bout du bout du monde, dans un archipel qui se nomme bikini.

La première bombe aura les traits de Rita Hayworth, alors véritable icône pour des millions de cinéphiles, peints sur les flancs d'un nouvel ange de la mort.

Surfant sur ces flots particulièrement risqués, Louis Rérard aura l'idée de séparer ce qui, jusqu'alors, enveloppait le corps de la femme lorsqu'elle prétendait prendre des bains de mer – activité somme toute assez récente, héritage d'un autre mois de Mai (1936) en ce qui concerne la France et, plus globalement, cette insouciance des années 20 et début des 30 qui suit une grande malédiction et précèdent l'enfer.

En révélant à l'humanité toute entière, donc forcément sa composante à 50% masculine, le nombril de la femme, les années d'après guerre allaient déclencher l'explosion d'une toute autre bombe. Alliée à une déflagration démographique sans précédent : pour la première fois dans l'Histoire de l'homme, on ne copulait pas davantage, mais les enfants étaient mieux soignés et parvenaient à maturité. Ce fut le baby boom. Des millions de bambins, nés dans des pays qui allaient devenir riches, très riches même. Jeter un maillot deux pièces sur toute cette jeunesse aux hormones bouillonnantes, c'était jeter de l'huile sur le feu, cela allait provoquer une prise de conscience nouvelle : la jeunesse comme contre pouvoir. Cela donna le Rock'n'Roll, terreau fertile aux contestations en tous genres puis, une décennie plus tard, temps nécessaire à une bonne maturation, comme pour les grands crus, mai 1968 un peu partout dans le monde avec sa corrélation la plus importante : le féminisme. La femme allait, elle aussi de son côté, se révolter contre ce patriarcat qui avait pris possession du monde depuis que ce primate qui allait devenir l'homme s'était redressé, il y a quelques centaines de milliers d'années.

Penser que le bikini et la découverte du clitoris vont de pair, c'est aller un peu vite dans les raccourcis, mais je comprends parfaitement le point de vue de monsieur Rochefort, le plus flegmatique et anglais de nos acteurs nationaux. Lui a vécu toute cette période. Il sait donc de quoi il parle.

On peut également soutenir que l'émancipation féminine doit son étincelle à Gustave Eiffel et l'invention du soutien gorge à armatures, un demi siècle plus tôt qui, en libérant ce corps tant désiré du carcan étouffant du détestable corset, donnant naissance aux suffragettes anglaises, Colette, Chanel et Marie Curie. Mais ces exceptions ne font pas loi. Il faudra attendre le début des années 70 pour voir, à mon plus grand bonheur et un émoi non dissimulé (oui, la simulation est plus compliquée pour l'homme que pour la femme), les filles retirer ce soutien gorge qui opprime cette poitrine, redevenue à cette époque à de justes proportions – début d'une androgynie égalitaire ?

Si le vêtement peut engendrer des Révolutions et faire se déshabiller les filles (ce qui est donc un comble : vouloir se vêtir pour se dénuder), on comprend pourquoi, aujourd'hui, dans ce vingt et unième siècle trop policé, on n'est pas à la veille, ni même l'avant veille, d'un changement notable.

 

19 Janvier - Réflexions sur le concept d'intelligence  

S'il existe un schème difficilement définissable c'est bien l'intelligence. Comment parvenir à cerner ce qui est tellement diffus, insaisissable, imperceptible et pourtant si fondamental ?

En ressassant ce concept si fluctuant, en l'étirant dans toutes les directions, le malaxant tant et plus, il m'est apparu que la vraie, la seule intelligence demeurait l'art de savoir s'adapter.

Darwin n'est pas si loin : tous les animaux, tous les êtres vivants, d'une manière générale, peuvent être intelligents – et la disparition d'une espèce n'est pas gage de sa bêtise : il y a des événements contre lesquels on ne peut rien. Une météorite qui nous pète à la gueule, des océans qui débordent, des volcans qui se réveillent, une invasion extraterrestre, que sais-je...

Ainsi l'intelligence s'applique autant à la théorie qu'à la pratique. Savoir correctement utiliser ses mains, savoir observer son environnement vaut autant qu'avoir la faculté d'analyser et de synthétiser des concepts plus métaphysiques.

Savoir s'adapter, c'est faire preuve de finesse. C'est avant tout bien observer, faire jouer tous ses sens, ses capteurs. Mais savoir s'adapter c'est aussi avoir le talent de se mettre à la place d'autrui.

De là découle l'altruisme et la compassion. Oui, être intelligent, c'est être compréhensif, pacifiste. Il n'y a pas d'intelligence militaire.

Cela renvoie à la philosophie. Cet art de poser les questions tandis que la politique se concentre sur les réponses. Le questionnement est cérébral, il répond au « pourquoi ? » alors que les solutions ne sont que mécaniques, mathématiques, elles répondent au « comment ? »

La différence entre un métier et un travail n'est pas tant dans le savoir-faire mais bien dans cette scission fondamentale : réfléchir à ce que l'on fait. Ne pas répéter sottement des gestes, aussi précis qu'ils puissent être. Pouvoir s'adapter à toute nouvelle donnée, régler des problèmes inédits. Tandis que le travail n'est que répétition de gestes immuables, virant à l'ennui le plus souvent. Une activité robotique, facilement exécutable par une machine. Lorsque nous travaillons, nous devenons ces machines. Des ordinateurs se contentant d'aligner des uns et des zéros. L'intelligence informatique n'existe pas. L'A.I. non plus. Ce n'est juste qu'un tic de langage. Répétition jusqu'à l'ennui. Ennui qui engendre la bêtise.

Cette définition peut s'appliquer partout et pour tous. Ainsi les relations amoureuses. Oui, je sais, elles sont d'abord dictées par les sens, par le cœur – lieux où ne peut se nicher l'intelligence, à priori. L'intelligence du cœur n'est qu'un concept. Je préfère parler d'âme à ce moment-là. Le cœur n'est qu'une machine, un métronome. Rien d'inventif là-dedans. La passion ne s'embarrasse pas de raisonnement. Elle fonce sans réfléchir. On en a besoin, évidemment. Comme l'étincelle pour démarrer un feu. Mais sans braises, le foyer risque de s'éteindre rapidement et ne réchauffer que notre imagination.

Dans une relation amoureuse, comme dans un métier, comme dans la vie de tous les jours face à l'adversité, aux nombreux problèmes qui ne manquent pas de s'imposer, il faut savoir s'adapter. Donc, comme nous l'avons vu plus haut : se mettre à la place de l'autre.

J'aime assez à dire que l'intelligence du couple commence par ne pas utiliser le même côté du lit, soir après soir, ne pas instaurer cette habitude d'avoir toujours la même place à table, les mêmes rites, ces habitudes tue-l'amour.

Essayez d'échanger vos positions – je parle là du sommeil, le reste ne me regarde pas : faites ce que bon vous semble !

 

12 janvier :  Tous à la tombe 

Celui qui pense qu'une chose ou un système est fait d'un seul bloc se trompe dans les grandes largeurs.

Toute organisation présente des paradoxes, des ambivalences, des contradictions. Tout n'est ni tout blanc ni tout noir.

On entend souvent ces propos de comptoir affirmant haut et (surtout) fort que le monde actuel court à sa perte, que tout va de mal en pis, soutenu en cela par des nostalgiques d'un temps que les auteurs de telles incohérences n'ont pas connu et dont ils se forgent une image fausse.

C'était mieux avant. Pas si sûr.

Loin de moi de prétendre que tout est merveilleux dans ce monde chaotique, mais prenons quelques exemples sur lesquels argumenter.

A commencer par le pire du pire : la guerre.

Globalement, elle a tendance à perdre du terrain. Dix mille morts par an, globalement. On est donc loin des 6 millions exterminés en 5 ans... et je ne parle là que de l'épuration nazie pure et simple.

Les épidémies. On nous a tant rabattu les oreilles avec le Covid (1,8 millions de morts depuis 2020) alors que la grippe moissonne aux alentours d'un demi-million annuel. Cela prend plus d'ampleur avec les accidents de la route (un gros million annuel, malgré les spectaculaires avancées dans les pays riches qui contribuent à diminuer les victimes tout en augmentant sensiblement le trafic).

Je ne parlerai pas des deux causes de décès les plus radicales, spécialement en occident : les maladies cardio-vasculaires et toutes espèces de cancers. Celles-ci progressent au rythme de la dégradation de notre alimentation et de notre environnement. C'est là-dessus qu'il faut agir. Sans attendre.

En revanche, les accidents domestiques envoient 20 000 personnes au cimetière rien qu'en France. La fameuse « chute dans l'escalier » serait même la première cause de mort chez les moins de 15 ans – faut les voir dévaler les escaliers tels de véritables Candide Thovex sur les pentes enneigées. Ca vous étonne ? Oui, on n'en parle pas. Encore moins des 2 millions de morts au travail. Oui, vous avez bien entendu : le travail tue (enfin, quatre fois moins que le tabac, soyons honnêtes).

Les esprits chagrins avanceront que les conflits militaires se sont mués en batailles économiques, dézinguant au passage largement plus de victimes. Certes. Et l'abominable chiffre de deux millions de morts au travail est bien là pour le souligner. Seulement, c'est oublier un peu vite que les pyramides d'Egypte ne se sont pas élevées sans un sérieux pourcentage de pertes, que la condition de serf au moyen-âge n'était pas très enviable, que celle de l'ouvrier dans les premières manufactures n'était pas une sinécure, que les famines régnaient même aub cœur des régions riches. Au pire, le monde a juste un peu progressé. Mais un peu tout de même.

Prenons l'exemple de l'esclavage (ou de la domesticité chez les seigneurs) : il a été largement remplacé par des machines qui font le sale et répétitif boulot à notre place. Un progrès. Et le premier qui ose me rétorquer que les machines ont volé le boulot des ouvriers, je lui réponds : mais quel boulot ?

Il convient maintenant de progresser encore, non plus en nous bombardant de robots, d'intelligence artificielle, de logiciel censés nous rendre la vie plus douce. Je préfère une vie meilleure à du confort assuré.

Reste tout de même un sérieux problème. Et de taille : 9 millions de personnes décèdent chaque année dans le monde tout simplement parce qu'ils n'ont pas assez à... manger ! Presque la moitié de cet abominable chiffre concerne les enfants. Nouveau paradoxe : dans les pays dits riches le surpoids et l'obésité concerne quasiment la moitié de la population.

Il serait temps de partager. Mais pas n'importe quoi. Car ce n'est pas de TROP manger qui rend obèse, mais plus exactement de manger MAL.

 

Individualisme (5 janvier)

Paradoxe : l'évolution de nos sociétés occidentales voit l'individualisation portée à son plus haut sommet. Au détriment de la communauté. La personne n'a jamais été autant respectée de toute l'Histoire. On reconnaît partout l'unicité de chaque être vivant. Cela déborde maintenant sur la condition animale. Chaque personne est un trésor. Chacun a cette chance inouïe de pouvoir choisir. Jamais dans l'Histoire, nous n'avons eu notre destinée entre nos mains de cette façon.

Cependant, nouvelle ambivalence : jamais nous n'avons autant désiré ressembler à un modèle, jamais nous n'avons réagi d'un même mouvement, jamais nous n'avons vécu sur le même mode. Un vrai troupeau. On nous vend du particulier (bienvenue dans « votre » magasin – non, ce n'est pas « mon » magasin) en mettant tout en œuvre pour que l'on réagisse globalement. Miracle de la production de masse et la consommation à outrance. On nous laisse l'impression, fausse, de pouvoir choisir, alors que nos choix sont largement conditionnés.

D'une manière générale, ce qui donne l'impression que tout va mal, c'est justement de le savoir. La multiplication des sources d'information et, surtout, cette façon de pousser au sensationnalisme, de tout aggraver (ainsi, la présentatrice de la météo qualifiera un petit deux degrés de température polaire – je veux bien que le réchauffement climatique aille dans ce sens, mais deux degrés au pôle, c'est la canicule!) pour simplement attirer l'attention. On multiplie les images chocs, on se focalise sur des faits divers, oubliant au passage son ridicule pourcentage global. Si l'on montre des images d'accidents routiers, avec force gros plans sur des carcasses d'automobiles pliées – ou pire – on oublie simplement de mentionner que le nombre des tués diminue régulièrement d'année en année et même s'il était constant, il diminuerait relativement étant donné l'explosion de la circulation routière.

Autre paradoxe concernant cette individualité : on est plus seul au milieu de la multitude. Ces mégapoles qui font se coexister des millions de solitudes. Ces téléphones mobiles qui permettent de communiquer mais pas d'échanger. On parle, on filme, on envoie. Mais on ne partage plus. Nous sommes devenus des robots, réagissant plus par instinct que par raisonnement. Pascal, réveille-toi, nous sommes devenus fous !